Pour s’emparer du port de Cherbourg, indispensable pour l’acheminement et le déploiement de la logistique de l’opération Overlord, les stratèges alliés choisissent en décembre 1943 une plage supplémentaire à l’ouest de la baie des Veys pour y faire débarquer l’infanterie. Recevant pour nom de code celui d’un état américain, le secteur de Utah Beach s’étend de Sainte-Marie-du-Mont à Quinéville.

C’est à la 4e division d’infanterie du général Barton qu’est confiée la mission de prendre pied sur la plage devant Saint-Martin-de-Varreville. Face aux dunes de Varreville, la grande plage de sable est le lieu idéal pour un assaut amphibie, même si l’accès à l’intérieur des terres est barré ensuite par une zone marécageuse profonde de 3 km. Une fois à terre et la tête de pont établie, les 23 000 Gi’s doivent établir la jonction avec les troupes aéroportées qui auront pris pied quelques heures plus tôt dans les secteurs de Sainte-Mère-Eglise et de Sainte-Marie-du-Mont.

Le bombardement des côtes

Le 6 juin 1944. Les canons de l'USS Nevada ouvrent le feu sur les côtes normandes.
US Army / Mémorial de Caen

Alors que les parachutistes sont déjà sur place depuis plus d’une heure, le navire amiral de la Force U, l’USS Bayfield, jette l’ancre vers 2h30 à 20 km des côtes avec près de 800 navires de guerre et de transport de troupes.

L’assaut est précédé à 5h45 d’un intense bombardement naval. Le cuirassé USS Nevada ouvre le feu sur les puissantes batteries allemandes d’Azeville et de Saint-Marcouf tandis que le croiseur USS Tuscaloosa concentre ses tirs sur le Mont Coquerel et Crisbecq Saint-Marcouf.

Quelques minutes avant l’arrivée des barges, 276 Marauders de la 9e US Air Force pilonnent à leur tour les positions allemandes. Le Wn 5 sur la plage est alors complètement retourné. Vers 6h00, 6 avions Douglas-Boston du 342e escadron Lorraine, avec dans ses rangs des pilotes français, tendent un rideau de fumée entre les îles Saint-Marcouf et la pointe de Barfleur afin de masquer les tirs d’artillerie allemands. Ceux-ci parviennent néanmoins à gêner l’approche de l’armada, voire à couler quelques navires. Parmi eux l’USS Corry : touché une première fois par une mine, le destroyer est atteint à 6h30 par un obus tiré depuis la batterie de Crisbecq, avant de couler une heure plus tard. Sur les 284 hommes d’équipage 22 marins trouvent la mort ce matin-là

Le débarquement de la première vague à Utah Beach

Le débarquement de la première vague d’assaut se déroule entre 6h40 et 6h50. Appuyé par les chars amphibies du 70e bataillon de chars – 28 sur les 32 ayant été lâchés à 3km de la côte sont parvenus jusqu’à plage – les trois bataillons du 8e Regimental Combat Team (RCT) de la 4e division d’infanterie prennent pied à environ 1 kilomètres au sud du site initialement prévu. Parmi les 600 hommes parvenant à se regrouper, figure le général Théodore Roosevelt, commandant en second de la division, seul général à débarquer avec la première vague. Après s’être aperçu de son erreur (de forts courants en réalité avaient déporté ses hommes vers ce nouveau point de débarquement) Roosevelt décide de faire débarquer les vagues suivantes sur la même plage, là où finalement les défenses allemandes se révèlent moins redoutables, mais au risque de provoquer d’important encombrements.

Vers 8h00, la totalité du 8e régiment est parvenu à débarquer sur Utah et se dirige dès lors vers l’intérieur des terres en direction de Pouppeville. La jonction tant attendue avec les parachutistes de la 101e Airborne aura lieu vers 13h00 à Pouppeville.

L’arrivée des 2e et 3e vagues à Utah Beach

Le débarquement de la 2e vague

Le débarquement de la 2e vague se déroule vers 10h00 avec l’arrivée du 22e régiment dont la mission est de remonter vers le Nord, vers Saint-Germain-de-Varreville, Saint-Martin-de-Varreville tandis qu’un bataillon progressera le long de la côte. Contraints à traverser les marais inondés, les deux autres bataillons du régiment mettent plus de sept heures avant d’attendre Saint-Martin et Saint-Germain. Le 3e bataillon qui s’est emparé du Wn 10  se retrouve pour sa part bloqué le soir au Hamel de Cruttes.

Conseil Départemental de la Manche, A.D. 13Num66
Soldats américains débarquant sur la plage d'Utah.

Le débarquement de la 3e vague à Utah Beach

Aux alentours de midi, c’est au tour de la 3e vague de débarquer sur la plage de la Madeleine. Le 12e régiment d’infanterie est accompagné du 40e groupe de cavalerie, d’une unité du génie et de 2 bataillons du 359e RI de la 90e DI.

Devant l’encombrement des voies de sortie, le 12e régiment doit passer par les zones marécageuses derrière les plages en direction du sud de Beuzevile-au-Plain. De là, il s’établit en fin de journée sur la gauche du 502 régiment de la 101e Airborne.

Retrouvez le bilan du 6 juin à Utah

Fils d’un ancien président des Etats-Unis du début du siècle et cousin lointain de Franklin Roosevelt président en exercice depuis 1932, Théodore Roosevelt a 57 ans lorsqu’il débarque sur Utah Beach le 6 juin 1944. Blessé deux fois en France au cours de la Première Guerre mondiale, il participe à la deuxième guerre avec le grade de colonel. Promu général en 1941, il participe aux opérations d’Afrique du Nord avant d’être nommé commandant en second de la 4e division d’infanterie. Sa santé est précaire et son âge avancé mais parvient à convaincre son supérieur de le laisser débarquer en Normandie avec la première vague d’assaut. Il décède brutalement d’une crise cardiaque à Méautis le 12 juillet 1944 alors que le général Eisenhower vient de lui confier le commandement de la 90e division d’infanterie. Son corps repose aujourd’hui au cimetière américain de Saint-Laurent.

Constitué en septembre 1941 au Levant, le groupe de bombardement Lorraine opère pour la première fois contre les troupes de l’Axe en Cyrénaïque. L’unité de la France Libre gagne ensuite la Grande-Bretagne pour être transformée sur bombardiers moyens Douglas Boston. Rattaché à la RAF en avril 1943 en tant que Squadron 342, le groupe Lorraine repart en mission en juin 1943 s’employant notamment à la destruction des sites de lancement de V1 en France et en Belgique. Spécialisé au printemps 1944 dans le bombardement de nuit, le Groupe est désigné par le commandement allié pour tendre un rideau de fumée – opération « Screen Smoke » – de la pointe de Barfleur jusqu’à l’embouchure de la Vire. Le 6 juin 1944, 12 Boston décollent alors par paires de leur base britannique pour exécuter avec succès leur mission au-dessus de Utah. Le groupe participe ensuite à la bataille de Normandie en détruisant les ponts sur la Seine, puis aux batailles d’Arhnem, des Ardennes et aux opérations de franchissement du Rhin en 1945. L’unité est faite Compagnon de la Libération par le général de Gaulle en mai 1945.

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