Avec Utah, Sword est le deuxième secteur du débarquement rajouté au plan initial en décembre 1943. Sword s’étend en théorie de Langrune à Ouistreham. Mais il a été décidé de concentrer les vagues de débarquement sur un front plus étroit, devant Hermanville et Colleville-sur-Orne.

La 3e division britannique a été désignée pour s’élancer la première, accompagnée par les chars spéciaux et amphibies sur le secteur de Sword. Sur ses deux ailes, elle doit bénéficier du soutien de deux brigades de commandos britanniques, nécessaires notamment pour l’assaut prévu sur la batterie de Ouistreham, objectif de la 1re Brigade tandis que Lion-sur-mer et Luc-sur-mer doivent tomber aux mains de la 4e brigade de commandos. La 185e brigade de la 3e division doit alors exploiter la situation en s’emparant de Caen avant la tombée de la nuit. Enfin la jonction avec les Canadiens débarqués à Juno constitue le 3e volet de la mission confiée à la division du général Rennie.

Bombardements et tirs d’artillerie

L’armada positionnée au large de Sword engage ses premiers tirs vers 5h00. Le premier drame intervient 30 minutes plus tard. Le destroyer norvégien Svenner est coupé en deux par une torpille allemande. Touché au niveau de la chambre des machines, le Svenner, sombre en quelques minutes. À son bord, 33 marins dont à son bord, 33 marins dont 1 Britannique trouvent la mort, tandis que 185 survivants peuvent être secourus. Le bombardement naval de Ouistreham se poursuit vers 5h45 sous l’impulsion du croiseur HMS Scylla, tandis que les batteries allemandes à l’est de la Dives sont pilonnées par le Warspite, le Ramillies et le Roberts.

Devant les plages de Sword le déluge de feu est intense contre les défenses côtières. Les canons du Frobisher, du Dragon, du Danae, de l’Arethusa et du Mauritius se taisent progressivement pour laisser place à la phase terrestre du débarquement.

Le HMS Rodney ouvre le feu sur les côtes normandes le 6 juin pour soutenir l’assaut terrestre.
Le HMS Rodney ouvre le feu sur les côtes normandes le 6 juin pour soutenir l’assaut terrestre.

Le drame de Svenner

Lancé par les Britanniques en juin 1943 le HMS Shark est cédé aux forces navales royales libres de la Norvège en avril 1944. Rebaptisé HNoMS Svenner, ce destroyer allié sera le seul à être coulé par la Kriegsmarine le 6 juin 1944. ©DR.

Les Norvégiens dans le D Day

Le Svenner ne s’est pas toujours appelé le Svenner. Lancé le 1er juin 1943 en Grande-Bretagne, le destroyer de la classe S s’appelait auparavant le HMS Shark. Au matin du 6 juin, le Svenner bat maintenant pavillon norvégien. Il appartient, au sein de l’armada alliée, à la Marine royale norvégienne qui compte 43 navires marchands, 1 patrouilleur, 3 vedettes rapides, 3 corvettes et deux autres destroyers d’origine britannique, le Glaisdele et le Stord. Ce matin-là, dissimulées derrière un rideau de fumée, trois vedettes lance-torpille allemandes de la 5e flottille basée au Havre sortent du port avant de se heurter à la flotte alliée. Le Svenner est mortellement touché par l’une des 18 torpilles qui ont été lancées par les équipages de la Kriegsmarine. La tragédie du Svenner ne doit pas masquer les autres formes d’engagements de la Norvège dans l’opération Overlord, sur les mers certes, mais également dans les airs. Les 331 et 332 squadrons norvégiens du 132 Wing sont ainsi rattachés à l’Armée de l’air canadienne, au sein de laquelle jusqu’à la mi-août, les pilotes norvégiens fourniront un précieux appui tactique à l’infanterie canadienne et britannique.

La première vague d’assaut

La première vague d’assaut s’élance à 7h20, avec la mise à terre des unités spéciales de la 79e division blindée britannique du général Hobart chargées de dégager la plage. Les chars fléaux démineurs sont les premiers à toucher le rivage, suivis rapidement par les chars spéciaux du 13/18th Hussars.

C’est sur Queen Beach, sous-secteurs Red et White, devant Colleville-sur-Orne et Hermanville-sur-mer, que débarquent à 7h25 les premières troupes de la 3e division : la 8e brigade d’infanterie et ses bataillons, le 2e East Yorkshire et le 1er South Lancashire, et la 1re brigade spéciale de commandos de Lord Lovat avec parmi eux les Français du 1er bataillon de fusiliers marins commandos sous les ordres de Philippe Kieffer. Dans la partie balnéaire de Colleville, le 2e East Yorkshire se heurte d’emblée au point fortifié allemand nommé « Cod », perdant 200 hommes dans les combats, tandis que la Brèche d’Hermanville est atteinte par les fantassins du South Lancashire au prix de quelques pertes. Cod tombera sous le coup des South Lancashire vers 9h00

Dans le même temps, le 41e Royal Marine Commando (4e brigade de commandos) débarque à l’ouest de Sword pour s’emparer de Lion-sur-mer et assurer la liaison avec les commandos du 48e Royal Marine mis à terre sur Juno. Les commandos sont rapidement bloqués à Lion-sur-mer par le point d’appui WN 21. Privés de radio, ils ne peuvent demander l’appui naval et essuient de lourdes pertes au cours de cette opération. Le WN 21 codé Trout ne sera enlevé que le lendemain.

Lord lovat à Sword beach

Né en 1911, volontaire dans les Commandos dès l’été 1940, Simon Fraser Lovat, 25e chef écossais du clan Fraser, et 17e Lord Lovat, s’illustre une première fois en Norvège lors du raid sur les îles Lofoten en mars 1941 puis lors du raid de Dieppe en août 1942 comme lieutenant-colonel à la tête du n°4 Commando. Le 6 juin 1944 il commande la Première Brigade de service Spécial récemment formée avec laquelle il débarque devant Colleville, pantalon en velours, col roulé et carabine à la main. Son piper personnel, Bill Millin est à ses côtés. Conformément aux ordres reçus, et avec quelques minutes de retard, il établit la jonction avec les parachutistes du major Howard au pont de Bénouville avant de rejoindre avec ses hommes le cœur de la tête de pont aéroportée. Grièvement blessé le 12 juin par un tir d’artillerie de la 51e division britannique lors des combats de Bréville, il est évacué en Angleterre. Après la guerre, Winston Churchill le nomme sous-secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères. Retiré de l’armée en 1962 avec le rang de brigadier, il s’implique dans la vie politique à la Chambre des Lords comme dans le comté d’Inverness et s’éteint chez lui à Beauly en Ecosse en 1995.

4 juin 1944. Lord Lovat s'adresse aux commandos de sa brigade avant l’embarquement pour la Normandie.

Premières percées et premières libérations

La deuxième vague d’assaut de la 3e division permet à 8h45, le débarquement du QG de la 1re brigade de service spécial, de son patron Lord Lovat et de son piper, le célèbre Bill Millin.

Hermanville-sur-mer est libéré vers 9h30 par le 1er South Lancashire (8e brigade) qui continue sa progression avant d’être stoppée par des tirs de 88 mm vers la crête de Périers. Le village devient alors le centre de rassemblement des unités du 2e échelon.

Au même moment Colleville-sur-Orne doit sa libération au 1er Suffolk (8e brigade) qui se dirige vers le point fort « Morris » sur la route de Saint-Aubin-d’Arquenay. La position allemande se rend sans combat.

La position fortifiée de Riva Bella – le casino, le port et ses écluses – est rapidement atteinte par les commandos de Lord Lovat. Les Français du Commando Kieffer, avec l’aide d’un char britannique parviennent à neutraliser la position du casino peu après 9h00. La garnison allemande se rend quelques minutes plus tard aux troupes britanniques, tandis que les Français se regroupent pour se remettre en marche vers Saint-Aubin-d’Arquenay en direction de Bénouville. Ouistreham-Riva Bella sera définitivement libérée vers midi.

Les Français du Jour J à Sword

Le Commando Kieffer à l’assaut de Ouistreham

Pour la grande majorité des 177 hommes du Commando Kieffer, le débarquement constitue le véritable baptême du feu, même si quelques-uns, engagés dans ce bataillon de la France Libre dès sa constitution en Angleterre en 1942, ont déjà participé durant l’hiver 1943 à des raids de sondage sur les côtes ennemies dont celles de France. Rattaché au 4e Commando franco-britannique du colonel Dawson, lui-même intégré à la brigade de Lord Lovat – avec les Commandos n°3, n°6 et le n° 45 RMC – le Commando Kieffer reçoit l’honneur de débarquer le premier devant Colleville. Trois hommes sont tués sur la plage avant l’assaut sur les fortifications du casino de Ouistreham qui débute peu avant 9 h 00. Vingt minutes plus tard Kieffer parvient enfin à neutraliser les défenses allemandes établies dans les soubassements de l’édifice grâce à l’appui d’un char britannique. Ce coup d’éclat des Français se paye au prix fort : 7 hommes perdent la vie au cours de la matinée dans les rues de la cité balnéaire. La deuxième partie de la mission, la jonction avec les Airborne à Bénouville est réalisée aux alentours de 16h00. En début de soirée, le Commando français remplit son troisième objectif en s’établissant défensivement sur les hauteurs d’Amfreville à l’est de l’Orne pour consolider la tête de pont tenue par les Britanniques. Kieffer blessé deux fois a perdu ce jour-là 44 hommes dont 10 tués. Les Français défendront cette tête de pont jusqu’à la mi-août avant de se lancer à la poursuite des troupes allemandes dans le cadre de l’opération Paddle en direction de la Seine. Kieffer et sa troupe réduite à 95 hommes quitteront la Normandie le 5 septembre 1944 pour une période de repos en Angleterre, avant de participer à un second débarquement aux Pays-Bas, le 1er novembre 1944.

La fermeture des accès vers Caen

Si la situation est favorable sur les plages et dans le secteur des troupes aéroportées, la progression à l’intérieur des terres est loin d’être facile.

En début d’après-midi la 185e brigade voit sa marche en avant stoppée par la 21e Panzer à hauteur de Biéville-Beuville. La situation devient critique pour les Britanniques lorsque vers 19h00 une compagnie de grenadiers motorisés et 6 chars de la 21e Panzer s’élancent de Mathieu (8km des côtes), traversent Douvres-la-Délivrande et parviennent à s’infiltrer dans l’espace laissé ouvert et large de 5 km entre les secteurs Sword et Juno aux abords de Luc-sur-mer. À 20h00, la colonne allemande est contrainte de rebrousser chemin devant l’arrivée de 250 planeurs et transporteurs de troupes de la 6e division aéroportée. Isolé et harcelé, le groupement allemand regagne le bois de Lébisey au nord de Caen, à la faveur de la nuit.

Entre temps les Allemands ont abandonné aux Britanniques certains de leurs points d’appui qui ont longtemps résisté et freiné la marche vers Caen : le WN 17, codé « Hillman », qui protége le PC du 736e régiment de grenadiers, est pris dans la soirée par le 1er Suffolk Regiment et des blindés du 13/18 Hussars, tandis qu’au nord de Saint-Aubin-d’Arquenay, les points forts codés « Daimler », « Sole » et « Morris » tombent tardivement sous les assauts du 2e East Yorkshire.

La 21ème Panzerdivision à Sword

Le 6 juin 1944, la 21e Panzer du général Feuchtinger est la seule division allemande de chars présente sur le front du Débarquement. Constituée de 98 chars Panzer IV et de 120 véhicules blindés elle peut aligner en Normandie plus de 16 000 hommes. Les hésitations et les tergiversations du haut-commandement allemand dès les premières heures de l’ « invasion » vont cependant nuire à l’efficacité de la division blindée. Ses premiers éléments ne sont en effet engagés que vers 3h30 pour enrayer au nord de Caen la formation de la tête de pont aéroportée. Contraint de déployer la majeure partie de ses unités entre Caen et la mer, la possibilité d’une contre-attaque de grande ampleur sur laquelle comptait Feuchtinger pour repousser les Britanniques à la mer disparaît heure après heure dans la confusion des ordres et les volte-face de ses supérieurs. L’unique percée sera réalisée en toute fin d’après-midi à Luc-sur-mer avant de devoir rebrousser chemin. Seul point positif pour la 21e Panzer, au soir du 6 juin : elle verrouille tous les accès à Caen et repoussera les offensives britanniques jusqu’à la libération de la rive droite de Caen le 9 juillet 1944. De toutes les phases de la bataille, la 21e Panzer est l’une des unités allemandes les plus touchées en Normandie : elle perd près de 8 000 hommes dont plus de la moitié entre le 6 juin et le 31 juillet 1944.

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