Les parachutages américains

Pour s’emparer du port de Cherbourg, les Alliés ont décidé en décembre 1943 de rajouter une plage supplémentaire à l’ouest de la Baie des Veys, Utah Beach. Pour protéger ce nouveau secteur, ils ont décidé de lancer leurs troupes aéroportées américaines. Deux divisions parachutistes sont larguées, au dessus de Saint-Marie-du-Mont et Sainte-Mère-Eglise. Le largage 82e et 101e Airborne des généraux Ridgway et Taylor se fera au cours de la nuit précédant le Débarquement afin d’empêcher toute contre-attaque allemande vers les plages. Pour y parvenir les paras doivent prendre le contrôle des quatre routes à la sortie de Utah Beach, détruire les ponts sur la Douve, constituer une tête de pont à l’Ouest du Merderet, enfin s’installer à Sainte-Mère-Eglise.

Les opérations débutent à 00h15, avec le largage de 260 éclaireurs embarqué à bord de 40 appareils. Ces hommes sont chargés de baliser les zones attribuées aux parachutistes et aux planeurs. Parmi eux le capitaine Franck Lillyman, chef des « pathfinders » de la 101e division aéroportée, certainement le premier soldat américain à poser le pied en Normandie.

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Le capitaine Frank Lillyman, photographié ici dans les années 50.

Le capitaine Frank Lillyman, photographié ici dans les années 50. ©DR.

Le 6 juin 1944, le capitaine Franck Lillyman appartient au 502e régiment et commande les éclaireurs de la 101e division aéroportée dont la mission est de baliser au sol les zones de saut et d’atterrissage des planeurs. Il saute en première position de l’avion de tête aux environs de 00h15. Blessé au cours de l’opération, il est rapatrié dans hôpital anglais, avant de rejoindre le front de Normandie quelque temps plus tard.

Le largage de la 101e Airborne

Entre 1h00 et 2h00, 900 Dakotas C47 larguent les hommes des 82e et 101e divisions.

La 101e saute la première dans le secteur de Sainte-Marie-du-Mont. Ce matin-là, le général Taylor qui commande les 6900 paras de la division est le premier général américain à poser le pied en France. Créée durant l’été 1942, la 101e Airborne et ses trois régiments (501e, 502e et 506e régiment), essuie ce matin-là son baptême du feu.  L’inexpérience des pilotes, les tirs de la Flak, les marais inondés provoquent de lourdes pertes et une grande dispersion des hommes.

Le 502e régiment du colonel Moseley saute au-dessus de la Drop Zone A (Turqueville) avant de se diriger vers la batterie de Saint-Martin-de-Varreville. S’étant brisé la jambe au moment de l’atterrissage, Moseley doit passer son commandement à son second, le colonel Michaelis. Au terme d’un largage approximatif, le colonel Cassidy qui commande le 1er bataillon du régiment ne peut regrouper que 250 hommes pour sécuriser le secteur de Foucarville et Beuzeuville-au-Plain.

A 01h15, une partie des 501e et 506e régiments est larguée de manière catastrophique sur les Drop Zones C et D à proximité de Hiesville, Saint-Côme-du-Mont, Sainte-Marie-du-Mont et Vierville. Sous les ordres du général Taylor, deux groupes parviennent à se mettre en marche vers les sorties de Utah et de Pouppeville.

A 01h30, le colonel Johnson qui commande le 501e régiment est parachuté au sud d’Angoville-au-Plain. Il regroupe autour de lui 150 hommes pour marcher en direction des ponts sur la Douve.

]Le général Maxwell Taylor de la 101e Airborne recevra du général Montgomery la médaille militaire le 7 juillet 1944.
recevra du général Montgomery la médaille militaire le 7 juillet 1944. Conseil Départemental de la Manche, A.D.13Num4157

Le général Taylor, premier général américain posé en Normandie

Ancien de West Point, Maxwell Davenport Taylor est promu général en 1942 à l’âge de 41 ans. L’une de ces missions est d’assister le major général Ridgway dans la conversion de la 82e division en unité aéroportée en 1942. Il participe à la campagne d’Italie en 1943 avant d’être désigné par Eisenhower pour prendre le commandement en mars 1944 de la 101e division aéroportée. Il saute sur le Cotentin peu avant 1h00 du matin et combat toute la journée à la tête des hommes qu’il a pu regrouper. Il est de tous les combats avec la 101e jusqu’au retrait de sa division à la fin du mois de juin 1944. Il commandera après guerre la 8e armée américaine en Corée avant de jouer un rôle politique de premier plan durant la guerre froide. Il décède en 1987.

Le largage de la 82e Airborne

La 82e division est une division aéroportée d’une grande expérience après avoir été engagée en Afrique du Nord en 1942 puis en Sicile et en Italie en 1943. Articulée en 4 régiments elle aligne à la veille du Jour J près de 7500 hommes. 6 400 hommes s’apprêtent à être déployés dans le Cotentin embarquées à bord de 377 avions et 52 planeurs.

Les 505e, 507e et 508e régiments de parachutistes de la 82e Airborne sont largués à 2h00 du matin. Les objectifs sont précis : s’emparer du nœud routier de Sainte-Mère-Eglise et des ponts sur le Merderet.

Le 505e régiment du colonel Vandervoort est largué sur la Drop Zone 0 avant de s’installer à Neuville-au-Plain au nord de Sainte-Mère-Eglise. Malgré sa jambe cassée à l’atterrissage, Vandervoort résiste aux contre-attaques répétées de la 91e division allemande. Seuls quelques hommes sont largués directement sur le bourg de Sainte-Mère défendu par les Allemands. Parmi eux, le soldat John Steele, blessé lors de son atterrissage sur le clocher de l’église, faisant le mort pendant deux heures avant d’être d’être décroché par un soldat allemand.

Les 507e (colonel Millett) et 508e régiment (colonel Lindquist) sont largués de manière catastrophique à l’ouest du Merderet sur la Drop Zone N. Le colonel Shaney qui commande le 2e bataillon du 508e régiment réunit 300 hommes près de Picauville pour atteindre la cote 130, lieu de rassemblement du régiment.

Formation de planeurs remorqués par des avions de transport C-47 au-dessus de l'Angleterre.
Portrait de John Steele
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John Steele, l’homme du clocher de Sainte-Mère

Soldat de 2e classe originaire de l’Illinois, John Steele saute avec le 505e régiment de la 82e Airborne au dessus du village de Sainte-Mère-Eglise. Il finit son parcours sur le clocher de l’église vers 4h00 du matin. Blessé par un éclat d’obus, Steele fait le mort deux heures durant pour ne pas être tué. Détaché du clocher par un soldat allemand au petit matin, il est aussitôt fait prisonnier. A peine remis sur pied, il parvient à s’évader trois jours plus tard et à rejoindre son unité ave laquelle il contribue à la victoire américaine de Sainte-Mère Eglise.

Le sort de John Steele le 6 juin 1944 est devenu une des séquences les plus célèbres du film Le Jour le plus long.

Les combats des paras au sol

Si du côté américain peu d’hommes sont rapidement opérationnels une fois au sol, la confusion est pire du côté allemand, confusion entretenue par l’énorme dispersion des hommes en autant de groupes hétérogènes. A 04 h 00, le colonel Cole (502e régiment) est parvenu sur son objectif avec 120 hommes. Il ne peut que constater la destruction de la batterie de Saint-Martin anéantie par les bombardements alliés. Il se dirige ensuite vers les sorties d’Utah Beach où il fera la jonction avec les premiers éléments de la 4e division d’infanterie en début d’après-midi.

Sainte-Mère-Eglise est investie à 4 h 30 par 250 parachutistes de la 82e, sous les ordres du lieutenant-colonel Krause, commandant du 3e bataillon du 505e régiment.

Au même moment le général Pratt, qui commande en second la 101e Airborne, trouve la mort au cours de l’atterrissage de son planeur.

Sainte-Marie-du-Mont est libéré dans l’après-midi par les parachutistes des 501e et 506e régiments (101e Airborne) regroupés par le capitaine Lloyd Patch qui doivent repousser une contre-attaque du 6e régiment parachutiste du colonel von der Heydte.

7 juin 1944. Des civils discutent avec des parachutistes américains dans Sainte-Marie-du-Mont.
Quatre membres de la 82e Airborne entrent dans Sainte-Mère-Eglise, 6 juin 1944
Conseil Départemental de la Manche, A.D. 13Num60.

Sainte-Mère-Eglise doit aujourd’hui sa renommée autant au film hollywoodien Le Jour le Plus Long qui lui accorde une place de choix, qu’aux événements qui s’y sont déroulés dans les premières heures du 6 juin. Lorsque les premiers parachutistes de la 101e Airborne atterrissent par erreur au milieu du bourg peu avant 1h, civils et Allemands sont occupés à éteindre un incendie déclaré peu de temps auparavant près de l’église. Pris pour cible, les paras de la 101e puis ceux de la 82e sont immédiatement tués par les Allemands, certains avant même d’avoir pu toucher terre. Suspendu durant deux heures par son parachute aux balustres de l’église, John Steele devient immédiatement après guerre le symbole de l’exploit et du sacrifice des paras américains du 6 juin. Le village sera finalement libéré vers 4h30 par les hommes du lieutenant-colonel Krause. La jonction avec les troupes venues de Utah ne sera réalisée que le lendemain. Depuis, Sainte-Mère-Eglise se dispute avec Ranville – pourtant libéré par les Britanniques à 2h30 – le titre de premier village libéré de France.

Les ponts sur la Douve et le Merderet

Les paras de la 101e Airborne ont progressé vers les ponts sur la Douve. A 4h30, le pont de Brévands est atteint par une poignée d’hommes du 3e bataillon du 506e régiment du capitaine Shettle qui s’installe aussitôt sur la rive droite face aux Allemands défendant l’accès à Carentan.

Une demi-heure plus tard, c’est au tour du colonel Johnson (501e régiment) et une cinquantaine d’hommes de s’emparer de leur objectif, l’écluse de la Barquette sur l’estuaire de la Douve, au nord de Carentan.

Les largages à l’ouest du Merderet se sont avérés les plus catastrophiques de toute la zone, plusieurs jours seront nécessaires aux hommes de la 82e Airborne pour rejoindre leurs unités. Malgré ce handicap, le général Gavin avec quelques hommes des 507 et 508e régiment parviennent à s’emparer des ponts sur le Merderet, et notamment du pont de la Fière peu après 11h00.

Progression des troupes aéroportées américaines en Normandie

Bilan du 6 juin

Plus de 13 000 parachutistes des 82 et 101e Airborne ont été largués entre minuit et 3h00 du matin par plus d’un millier d’appareils. Effectués dans de très mauvaises conditions météo, sous les tirs de la Flak, les largages ont été très approximatifs, dispersant loin de leur drop zones assignées des combattants égarés dans les marais. 75% des hommes se sont ainsi posés loin de leurs objectifs rendant particulièrement difficile le regroupement des unités. La première jonction entre les paras et la 4e division d’infanterie venue d’Utah Beach est réalisée du côté de Pouppeville, aux premières heures du jour. Ainsi, si toutes les missions confiées aux troupes aéroportées n’ont pas été remplies, la protection du débarquement de l’infanterie sur Utah Beach est néanmoins assurée le 6 juin à l’aube.

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