Le secteur américain
Nouvelles libérations, nouvelles jonctions
À l’ouest de Carentan, entouré par les marais de la Douve et de Gorges, le village de Baupte est libéré au petit matin par le 508e régiment parachutiste de la 82e Airborne qui durant la nuit a réussi à franchir la Douve à Beuzeuville-au-Plain. La 82e Airborne réalise dans la soirée à Baupte une des jonctions avec des éléments de la 101e Airborne. De leur côté, en libérant le village de Montmartin-en-Graignes sur la rive gauche de la Vire, les parachutistes du 327e régiment (101e Airborne) réalisent une autre jonction avec des fantassins de la 29e division d’infanterie venue d’Omaha. Dans le secteur de Carentan ces deux jonctions consolident un peu plus encore la réunion des deux têtes de pont américaines.
La libération de Caumont-L’éventé
La 2e division d’infanterie s’est emparée de Trévières dans la nuit du 9 au 10 avant de progresser en forêt de Cerisy nettoyée ans la journée. Le 10 juin la route est quasiment dégagée pour les GI’s des 1re et 2e divisions d’infanterie américaines entre l’Elle et Tilly-sur-Seulles. Sur la ligne Saint-Lô/Villers-Bocage se dresse le village de Caumont-L’Evente. La 1re division qui a beaucoup souffert le 6 juin sur la plage d’Omaha s’engouffre dans la brèche et pénètre dans Caumont-L’Eventé, à 30 km à l’intérieur des terres. Depuis le 6 juin, il s’agit de la plus forte progression alliée réalisée en une semaine sur le front de Normandie.
La chute de la batterie d’Ozeville
À l’est de Montebourg, un point fort a été édifié par les Allemands à Ozeville. Il s’agit d’une batterie qui depuis le 9 juin résiste aux assauts de la 4e division d’infanterie. Pour enlever cette position, le général Barton constitue un groupe de combat avec le 22e régiment d’infanterie et deux bataillons de chars. L’assaut est déclenché le 10 juin mais le groupe de combat Kiel qui défend les casemates ne cède rien bénéficiant même de l’appui des canons de la batterie de Crisbecq. L’attaque du lendemain est encore un échec. Finalement la 3e tentative est la bonne le 12 juin. L’assaut est lancé après un bombardement de l’artillerie et de l’aviation. Le village et les casemates sont pris vers midi. Venu se présenter à la garnison allemande pour discuter des termes de la reddition, un officier américain est abattu. En représailles les fantassins américains ne feront aucun prisonnier ce jour-là à Ozeville.
Visiteurs de marque au large d’Omaha
Le 12 juin, un destroyer américain, l’USS Thompson DD-627, se présente vers 10h00 au large d’Omaha. À son bord une délégation de chefs militaires américains de premier ordre se prépare à débarquer. Derrière le commandant du SHAEF, le général Eisenhower, on retrouve le général Marshall, chef d’état-major général, le général Arnold, patron de l’US Air Force, ainsi que l’amiral King, le commandant de l’US Navy. Débarquée au Ruquet sur Omaha Beach, et accueillie entre autres par le général Bradley, la délégation prend place à bord de véhicules d’état-major pour une visite du secteur le long de la côte en direction d’Isigny-sur-Mer. Après un arrêt sur l’aérodrome A1 de Saint-Pierre du Mont, le convoi se rend au PC avancé de la 1re armée américaine pour un déjeuner, avant d’aller découvrir les fameux canons de la Pointe du Hoc retrouvés dans un verger. Le convoi traverse ensuite Isigny en ruine, Formigny avant de revenir vers Saint-Laurent-sur-mer et la plage d’Omaha. Derrière Eisenhower, la délégation repart vers 17h00 à bord de l’USS Thompson pour un retour dans la soirée vers Plymouth.


Le secteur anglo-canadien
Une nouvelle division britannique sur le front
Ayant combattu en Norvège en 1940 puis en Islande, la 49e division d’infanterie britannique revient en Grande-Bretagne pour une période d’entraînement intensif. L’unité débarque en Normandie le 12 juin sous les ordres du major général Baker. Elle est envoyée dès le lendemain dans le secteur de Cristot, en plein bocage normand, dans le secteur de Tilly-sur-Seulles. Pour enfoncer les lignes de résistance allemandes qui y sont solidement tenues, elle entrera en scène au côté de la 50e division d’infanterie à partir du 16 juin.
Winston Churchill en Normandie
À la veille du Jour J, le Premier ministre britannique, Winston Churchill s’était mis en tête de prendre place à bord de l’armada du Débarquement. Dissuadé par le roi lui-même, il reporte son projet et embarque le 12 juin à bord du destroyer HMS Kelvin, traverse la manche et se présente au large de Courseulles en milieu de matinée. Transbordé sur un Duckw (camion amphibie), il débarque à la brèche de Graye-sur-mer avant d’être accueilli à terre par le maréchal Montgomery en personne accompagné du général Smuts et de Sir Alan Brooke. Il se rend ensuite chez son hôte au château de Creullet, rencontre le général Dempsey, avant d’inspecter la côte à bord d’une barge en compagnie de l’amiral Vian. Churchill avouera plus tard qu’il voulait être au plus près des combats.


Nouvelle attaque sur Bréville
Sur le front tenu par les parachutistes britanniques devant Bréville, le 5e Black Watch de la 51e division s’est heurté la veille à une violente opposition allemande. Le 12e bataillon parachutiste de la 6e aéroportée du général Gale est appelé pour prendre le relai et tenter à son tour de briser ce dangereux saillant. Pour cette attaque, le bataillon est renforcé de quelques chars du 13/18e Royal Hussars. Au cours de l’assaut lancé depuis Amfreville dans la soirée, la compagnie D du Devonshire Battalion essuie de terribles pertes, 162 parachutistes dont le colonel Johnson y trouvent la mort. Les Allemands ont été repoussés, mais le village qui sera libéré le lendemain, n’est plus qu’un amas de ruines, entièrement ravagé par les tirs des blindés, ceux de l’artillerie et les obus de marine du croiseur Arethusa. Du côté allemand, 78 grenadiers du 857e régiment ont été tués dans ces combats.

Le 48e RMC reprennent Sallenelles
Sur la rive orientale de l’estuaire de l’Orne, le 45e Royal Marine Commando (1re brigade de commandos de Lord Lovat) s’est emparé de Sallenelles dans la soirée du 6 juin mais a dû se retirer du village le 7 pour se positionner plus au sud vers l’Ecarde. Situé au nord de la zone de saut de la 6e division aéroportée, Sallenelles est repris dans la nuit du 12 au 13 juin par le 48e Royal Marine Commando, qui avec le renfort du 47e RMC, vient de s’emparer des hauteurs de La Perruque. Déserté par les Allemands, le village de Sallenelles changera plusieurs fois de mains avant sa libération définitive le 16 août 1944 par les soldats belges de la Brigade Piron.
Les forces allemandes
Des Tigres allemands en Normandie
45 chars Tigres font leur apparition le 12 juin sur le front normand. Ils appartiennent au 101e bataillon SS de chars lourds du colonel von Westerhagen qui vient d’arriver de Beauvais où l’unité avait été mise en alerte à l’annonce du Débarquement. Avant d’être engagé le lendemain dans le secteur de Villers-Bocage le char Tigre jouit déjà d’une belle réputation acquise lors des combats en Tunisie dans la guerre du désert contre les Britanniques. Dans le même temps, les premiers éléments de l’avant-garde de la 2e Panzerdivision partis d’Amiens le 9 juin, ont pris position entre Caumont-L’Eventé et Villers-Bocage.


De nouvelles divisions SS pour la Normandie
Dirigée sur le front de l’Est en mars 1944, la 9e Panzer division SS du général Bittrich est rappelée vers l’Ouest, dès l’annonce du Débarquement. L’objectif qui lui est assigné en Normandie est de contre-attaquer les Britanniques et les rejeter à la mer. Très éprouvée par les combats en Pologne, la division forte de 21 000 hommes et 170 blindés se met en route le 12 juin. Il lui faudra plus de deux semaines pour traverser la France. Elle prendra part à ses premiers combats le 26 juin dans la bataille de l’Odon pour contrer l’opération Epsom. Dans le même temps, le maréchal Rommel a obtenu le retour depuis la Pologne, où elle combat depuis mars 1944, de la 10e SS Panzerdivision du général Harmel. L’unité se met en route le 12 juin. Elle sera intégrée avec la 9e Panzer SS au 2e corps blindé SS pour combattre lors de la bataille de l’Odon.
La mort du général Marcks
Un des rares chefs de l’armée allemande à avoir réalisé que le débarquement allié en Normandie n’était pas une diversion, le général Erich Marcks, qui a perdu un œil lors de la Première Guerre mondiale et qui été amputé d’une jambe lors de l’opération Barbarossa en juin 1941, commande depuis août 1943 le 84e Corps d’armée depuis son PC de Saint-Lô. Depuis le 6 juin, Marcks a pris l’habitude d’aller inspecter ses troupes au plus près des combats. Ce jour-là, dans les environs d’Hébécrevon, il est mortellement blessé par les tirs d’un chasseur bombardier américain alors qu’il circule à bord de sa voiture sur la route reliant Saint-Lô à Périers. Avant d’être remplacé à son poste par von Choltitz, c’est le général Fahrmbacher arrivé en toute hâte de Bretagne, qui prend provisoirement sa succession à la tête du 84e corps.

Les civils dans la guerre
Aunay-sur-Odon, un village rayé de la carte
En décidant de contourner les défenses de Tilly-sur-Seulles et passer par Villers-Bocage pour atteindre Caen, les Alliés ont placé le village d’Aunay-sur-Odon dans leur secteur de combat. Ce bourg paisible constitue un nœud routier important dans une région bocagère et vallonnée. Dans le cadre de la destruction des carrefours routiers, Montgomery a donc décidé de faire bombarder Aunay-sur-Odon par les avions de la Royal Air Force. Aunay est bombardée une première fois le 12 juin dès 6h30 du matin. Le centre du bourg est entièrement détruit. Une centaine de victimes civiles périssent sous les bombes. Une deuxième vague achèvera la destruction du village dans la nuit du 14 au 15 juin 1944. 200 civils au total perdirent la vie à Aunay-sur-Odon.

Caen, toujours sous les bombes et les obus
Depuis le Débarquement, il n’y a eu aucun répit pour les Caennais placés au cœur de la bataille. Les bombardements de la cité sont quotidiens, plusieurs par jours par moment. Le 12 juin, peu avant minuit, 348 Halifax et 285 Lancaster guidés par une trentaine de Mosquitos se présentent dans le ciel de Caen avec comme objectif les ponts sur l’Orne. Une centaine de bombes s’abat sur la ville. Le centre-ville est de nouveau touché, tandis que des bombes incendiaires ouvrent plusieurs foyers d’incendie dans la ville. Deux heures plus tard, l’artillerie de marine prend le relai. Le HMS Nelson et le HMS Ramillies tirent leur obus de 380 et de 406mm depuis le large, à 22km de Caen. Des civils sont ensevelis dans les carrières des Fossés Saint-Julien tandis que la Caserne Lefebvre dans l’enceinte du château est pulvérisée. Ce jour-là 77 Caennais sont tués ou portés disparus.
